La pêche et l’aquaculture en Tunisie
Avec ses deux façades maritimes longeant 1350 Km, un domaine maritime national de 80 000 km2 et 105 200 hectares de lagunes, la Tunisie a toujours été un pays de marins et la pêche a toujours constitué une activité d’une importance certaine. Ce secteur stratégique représente 8 % de la valeur de la production agricole et 1.1% du produit national brut et génère environ 53.000 emplois directs.
L’infrastructure portuaire comporte 40 ports dont dix ports hauturiers : Tabarka, Bizerte, La Goulette, Kélibia, Sousse, Téboulba, Mahdia, Sfax, Gabès et Zarzis et 30 ports côtiers et sites de débarquement. La capacité totale d’accueil de ces ports est de 150 000 tonnes de produits de la mer par an.
La flottille de pêche est de l’ordre de 13500 unités dont 93% sont des barques côtières. Le secteur de la pêche et aquaculture offre 50200 poste d’emplois répartie comme suit: 73% pêche côtière, 11% pêche au feu, 11% chalutage, 3% pêche à pieds et 2% pour l’aquaculture.
Les quantités débarquées durant les dix dernières années oscillent autour de 120.000 tonnes et elles sont composées des poissons bleus, des poissons blancs, des crustacés et des mollusques…
Le volume des exportations des produits de la mer en Tunisie oscillent autour de 26.000 tonnes pour une valeur proche de 248 millions de dinars, se plaçant ainsi à la seconde place des exportations des produits agricoles et agro-alimentaires après l’huile d’olive.
Environ 75% des exportations sont orientées vers les marchés de l’UE. Les principaux produits exportés sont les céphalopodes (poulpes et seiches), les crustacés (crevettes et chevrettes), les coquillages et les poissons frais (thon rouge) et les produits d’aquaculture.
Les importations en produits de la pêche constitués essentiellement de poissons frais ou congelés sont de l’ordre de 44.897 tonnes d’une valeur de 248 millions de dinars.
La stratégie de développement du secteur de la pêche repose sur la préservation des ressources benthiques, l’exploitation des ressources en petits pélagiques, l’amélioration de la valeur ajoutée des produits de la pêche commerciale et le développement de l’aquaculture.
L’aquaculture en Tunisie
L’aquaculture en Tunisie est une activité très ancienne qui remonte à l’époque romaine comme l’attestent les mosaïques du musée du Bardo, à Tunis.
L’expérience tunisienne récente dans ce domaine remonte aux années 1960. Initiée par le secteur privé, elle a débuté avec l’élevage de la moule méditerranéenne «Mytilus galloprovincialis» et l’huitre creuse du Pacifique «Crassostrea gigas» sur tables fixes à Bizerte. L’approvisionnement en naissains de moules se fait localement par captage dans la lagune de Bizerte alors que celui d’huître se fait par importation de l’étranger (France, Italie…).
Ultérieurement, les installations conchylicoles ont été transférées à l’Office National des Pêches (ONP) qui a continué ces activités et a commencé la construction d’étangs dans les lagunes de Monastir et de Tunis et a débuté conjointement avec l’INSTOP (Institut National Scientifique et Technique d’Océanographie et de Pêche, INSTM actuellement) l’alevinage de certaines retenues de barrage par les alevins de diverses espèces et leur exploitation par la pêche (Carpe commune ; Mulet à grosse tête ; Mulet porc…).
Au début des années 1980, l’une des premières écloseries privés du loup «Dicentrarchus labrax» et de la dorade «Sparus aurata» en Méditerranée est alors réalisée au sud du pays par des opérateurs privés soutenus par les banques de la région.
Les années 90 sont marquées par la réalisation du plan directeur de l’aquaculture et le développement de la pisciculture continentale dans les plans d’eau douce intérieurs en mode extensif avec toutefois des réalisations privées timides qui concernent essentiellement l’élevage à terre du loup et de la dorade et la conchyliculture dans la lagune de Bizerte (tables fixes et filières flottantes) suite à la liquidation de l’ONP.
A partir de 2003, une nouvelle activité aquacole a vu le jour, réalisant un bond exceptionnel en matière d’adoption de nouvelles techniques d’élevage : l’engraissement du thon rouge «Thunnus thynnus» qui assure non seulement un gain de poids supérieur à 20% en quelques mois, mais permet également l’écoulement de ce produit sur le marché international aux périodes où la chair du thon est grasse avec les meilleurs prix. Le thon, issu de la pêche et destiné à l’engraissement, est transféré vivant dans des cages flottantes en pleine mer. Il y est engraissé en captivité pendant quelques mois avant d’être écoulé frais à des prix relativement plus rémunérateurs.
Ces dernières années sont marquées par l’expansion de l’élevage en cages flottantes et submersibles du loup et de la dorade. Les approvisionnements en alevins et en aliment se font principalement par importation de l’étranger (France, Italie…).
D’un point de vue stratégique, le gouvernement tunisien a réalisé deux stratégies décennales pour le développement de l’aquaculture : le Plan Directeur de l’Aquaculture (1996-2006) et la stratégie nationale du développement de l’aquaculture (2007-2016).
Le PDA a estimé le potentiel et l’objectif de production pour chaque filière et a évoqué les stratégies de développement pour atteindre ce potentiel.
La stratégie nationale de développement de l’aquaculture (2007-2016) a été focalisée essentiellement sur l’encouragement des promoteurs privés à travers le renforcement des incitations financières (exonération des taxes douanières et de la TVA pour l’importation des équipements et des intrants aquacoles, prime d’étude qui couvre jusqu’à 40% des frais d’études des projets et ceci avec un plafond de 40 milles dinars et l’augmentation de la prime d’investissement de 7 à 12% pour les projets aquacoles de catégorie C) ainsi que la création d’un centre technique d’aquaculture pour le transfert des technologies aquacoles et l’encadrement des privés.
La Direction Générale de la Pêche et de l’Aquaculture à mis en place, en 2015, en collaboration avec les différents intervenants dans le secteur, la Stratégie Nationale de Développement de l’Aquaculture (2016-2020), dont l’objectif est d’assurer l’amélioration de la gestion du secteur aquacole et le développement qualitatif des produits aquacole et atteindre une production de l’ordre de 27000T en 2020 toute en garantissant la durabilité du secteur aquacole. Des mesures ont été préconisées, ont données lieux à des actions à entreprendre pour favoriser le développement du secteur et améliorer ces performances.
L’objectifs de cette stratégie est d’assurer le développement durable de l’aquaculture par:
- L’amélioration de la gestion du secteur de l’aquaculture
- Développement quantitatif et qualitatif des produits de l’élevage
- L’augmentation de la consommation annuelle par habitant
Objectifs de production horizon 2020
Filières | Production escomptée (T) |
Pisciculture marine | 25000 |
Conchyliculture | 300 |
Pisciculture continentale | 1500 barrages+1500Tilapia |
Engraissement du thon rouge | 500 |
Crevetticulture | 1000 |
Algoculture | 100 |
Total | 29900 |
La Direction Générale de la Pêche et de l’Aquaculture a mis en place, en 2019, en collaboration avec les différents intervenants du secteur, une étude Stratégique de la Pêche et l’Aquaculture à l’horizon de 2030.
Cette étude, basée sur une approche participative, vise le développement du secteur de la pêche et de l’aquaculture, la préservation et l’exploitation durable et rationnelle des ressources halieutiques. Cette étude recommande un plan de d’action nationale dynamique se posant sur 6 axes stratégiques parmi lesquelles le développement durable du secteur de l’aquaculture dont les principaux objectifs stratégiques sont:
- Amélioration de la gouvernance du secteur
- Amélioration du rendement des projets aquacoles
- Renforcement de la recherche scientifique dans le secteur
- Renforcement de la formation dans le secteur
- Maitrise des aspects sanitaires et zoo sanitaire
- Promotion du marché local et Encouragement de l’exportation
- Protection de l’environnement
La conchyliculture
Malgré que l’expérience tunisienne dans l’élevage de la moule méditerranéenne et de l’huitre creuse du Pacifique dépasse le demi-siècle, cette filière n’a pas pu dépasser une production de 200 tonnes/an. Les estimations sont toujours au-delà de la production réelle.
Le Plan Directeur de l’Aquaculture a estimé un potentiel de production de 8000 tonnes de palourde grossis dans le Golfe de Gabès. Pour les moules et les huitres, le PDA a évalué le potentiel de production à plus de 1000 tonnes/an tout en recommandant de retenir un développement très progressif pour ces deux espèces en fonction de la progression du marché national et des possibilités d’exportation. Il a recommandé en outre un renforcement des contrôles sanitaires et une campagne de promotion portant principalement sur la consommation de la moule.
Le IXe Plan de développement (1997-2001), a fixé un objectif de production de 300 t de moules et d’huitres et 900 tonnes de palourde à l’horizon 2001, le taux de réalisation enregistré pour les moules et les huitres n’est que de 50% et aucun projet de grossissement de palourde n’a été installé.
Le Xe Plan de développement (2002-2006) a fixé un objectif de production de 1200 tonnes de coquillages (1000 t de Moules et Huîtres et 200 t de Palourdes). La production déclarée en 2006 n’est que de 127 tonnes.
Les objectifs productifs du XIe plan de développement (2007 – 2011) prévoient une production de 800 tonnes de moules et d’huitres et 300 tonnes de palourde à l’horizon 2011. La production déclarée en 2011 est à peine de 166 tonnes de moules et d’huitres.
La Stratégie Nationale de Développement de l’Aquaculture (2016-2020), a fixé un objectif de production de 300 Tonnes de mollusques bivalves. La production en 2018 a atteint 183 Tonnes.
La pisciculture marine
La première initiative d’élevage de poissons marins a débuté en 1984 dans la lagune de Boughrara au sud de l’île de Djerba pour produire 400 tonnes /an de loup (Dicentrarchus labrax) et de daurade (Sparus aurata) en cages flottantes. Plusieurs sinistres naturels ayant pour origine des blooms phytoplanctoniques toxiques type Dinoflagellés en mer de Boughrara ont déstabilisé le fonctionnement de la ferme.
La deuxième initiative a été installée à 50 Km au Nord de Sousse et conçue pour produire de loups et de dorades dans des raceways situés à terre.
En 1995, le PDA a recommandé l’installation de fermes aquacoles à terre sur la côte Nord, la fabrication des aliments localement ainsi que la création de lotissements comprenant plusieurs fermes dont l’état prendra en charge les infrastructures de base (accès, viabilisation, prise d’eau et rejet…) pour avoir dix ans plus tard une production de 10.000 tonnes.
Depuis, l’investissement dans ce secteur n’évolue pas de la manière attendue malgré les actions entreprises par le gouvernement en faveur du développement du secteur aquacole. Ainsi, le IXe Plan de développement (1997-2001), a fixé un objectif de production de 3000 t de poissons marins à l’horizon 2001, le taux de réalisation enregistré n’est que de 24%. Le Xe Plan de développement (2002-2006) a fixé un objectif de production d’environ 2100 tonnes. La production déclarée en 2006 n’est que de 1252 tonnes.
En 2007, l’investissement dans cette filière a repris son équilibre suite à l’a mise en place d’une stratégie nationale de développement de la pêche et de l’aquaculture (2007 -2016) visant une production aquacole de l’ordre de 15 mille tonnes vers 2016 et permettant l’installation de 3 fermes d’élevage du loup et de dorade en cages flottantes et submersibles. Le nombre de fermes exploitant cette nouvelle technique est rapidement évolué pour atteindre 23 fermes au début de l’année 2011.
Les objectifs productifs du XIe plan de développement (2007 – 2011) prévoient une production de 4500 tonnes à l’horizon 2011. La production piscicole déclarée en 2010 est d’environ 4000 tonnes, celle en 2014 est d’environ 10000 tonnes.
La Stratégie Nationale de Développement de l’Aquaculture (2016-2020), a fixé un objectif de production de 25000 Tonnes de loup et daurade. La production en 2018 a atteint 20761 Tonnes.
La pisciculture continentale
L’expérience tunisienne dans l’exploitation des retenues de barrages par la pêche remonte aux années 1960. Cette activité est initiée par l’Office National des Pêches (ONP) à travers l’alevinage de certaines retenues de barrage par les alevins de diverses espèces et leur exploitation par la pêche. La promulgation de l’arrêté du ministre de l’agriculture du 20 septembre 1994, relatif à la pêche dans les barrages, les cours et étendues d’eaux douces a permis de réglementer cette activité et de l’encadrer.
Actuellement, neuf gouvernorats sont concernés par ce type d’activité (Béja, Ben Arous, Bizerte, Jendouba, Le Kef, Nabeul, Zaghouan, Kairouan et Siliana). Le nombre de barques est estimé à 232 et le nombre de pêcheurs à 450. Ces pêcheurs sont des paysans des régions intérieures du pays qui ont un niveau de trésorerie assez bas. La pisciculture extensive leur offre la possibilité de produire de façon rentable un poisson pas cher, qu’ils pourront facilement vendre ou consommateur.
Les captures les plus importantes se font à l’hiver, les espèces communément pêchées sont : la carpe, le sandre, les mulets, l’anguille, le silure, le barbeau et le tilapia. Lorsqu’elles sont importantes, les captures sont écoulées sur le marché de gros de Tunis sinon elles sont commercialisées dans les villes et villages proches des retenues ou autoconsommées.
Les bonnes croissances observées sur les espèces introduites, les installations de quelques groupements et jeunes diplômés sur quelques retenues, les productions obtenues, montrent à l’évidence que les lacs de barrage représentent un potentiel important dont il faut poursuivre leur mise en valeur. Néanmoins, la gestion halieutique des retenues de barrages en Tunisie connait plusieurs problèmes tant sur le plan administratif que technique. L’absence d’un système fiable de collecte des statistiques de pêche dans ces retenues forme un handicap majeur pour le développement de cette filière. Les statistiques déclarées sont aussi bien critiqués par les professionnels que par les scientifiques inhibant ainsi toute étude fiable se basant sur ces données.
D’autre part, et malgré les efforts déployés par l’état à travers ces différents organismes (administration, centre technique, instituts de recherche) que ce soit par intervention directe ou bien à travers des projets de développement financé par des fonds internationaux, les quantités produites restent au delà des prévisions de différents plans et stratégies de développement économique et social.
Le PDA a recommandé la mise en valeur piscicole de toutes les retenues de barrage en favorisant au maximum la capture de mulet pour le marché tunisien et le sandre pour l’exportation. Le potentiel de production a été évalué à plus de 1000 tonnes/an. Ceci devra être atteint suite au transfert du sandre et des poissons fourrages dans les barrages où ils ne sont pas présents, l’introduction de carpes chinoises produites en écloserie et l’alevinage annuel et systématique en alevins de mulets ainsi que l’amodiation progressive de toutes les retenues à des groupements de pêcheurs ou à des sociétés privées.
Ainsi, le IXe Plan de développement (1997-2001), a fixé un objectif de production de 1100 t de poissons d’eau douce et saumâtre, provenant de fermes piscicoles et de la pêche dans les barrages à l’horizon 2001, le taux de réalisation enregistré n’est que de 82%.
Le Xe Plan de développement (2002-2006) a fixé un objectif de production des poissons d’eau douce d’environ 1700 tonnes. La production déclarée en 2006 n’est que de 1086 tonnes.
Les objectifs productifs du XIe plan de développement (2007 – 2011) prévoient une production de 2200 tonnes à l’horizon 2011. La production déclarée en 2010 est à peine de 1176 tonnes.
La Stratégie Nationale de Développement de l’Aquaculture (2016-2020), a fixé un objectif de production de 3000 Tonnes de poisson d’eau douce. La production en 2018 n’a atteint que 811Tonnes.